On va y passer la nuit ! 

A la rencontre de Thierry Martin, 

Cathédrale Saint Jean Baptiste d’Alès, 18 janvier 2024

18 janvier 2024, les travaux de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste sont terminés depuis quelques mois. L’inauguration, le 9 décembre 2023, clôture une période de 27 ans de travaux. Face à cette période si longue, des questions légitimes se posent : "Pourquoi est-ce si long de rénover ce bâtiment?"


Thierry Martin, organiste et référent culturel de la cathédrale, étant l’Alésien le plus informé sur la question, nous répond : "Les travaux extérieurs se sont étalés sur une douzaine d’années pour d'abord privilégier les toitures, c'était essentiel. Ensuite, il y a eu un travail sur les façades hautes de la nef, sur la tour également. Donc tout cela, entre le moment où l'on fait le plan, quel type de protection l’on prévoit… l’obtention des crédits…"


Était-ce sur la demande de l’agglomération ? : "Oui, le bâtiment appartient à l’agglo, il fallait faire quelque chose, et en priorité les couvertures. Ensuite on a eu des infiltrations dans le sol dans la partie nord, nous avons donc terminé par la construction d’un drain pour qu’elle soit hors d’eau. Hors d’air également, les vitraux ont été refaits. Ensuite le bâtiment va vieillir comme nous vieillissons… C’est fait pour 20 ou 30 ans, après il faudra refaire, tout s’altère. Des travaux importants ont quand même été faits dans les années 1957, les toitures en 60.. Il y a eu des travaux d’entretien au cours des âges, mais des endroits vieillissent très vite."


Beaucoup de gens visitent la cathédrale ? : "Disons de juin à mi-octobre, il y a beaucoup de passage. J’organise des visites guidées chaque semaine. J’ai compté plus de 2000 personnes en l’espace de deux ans et demi." Sa conférence, "3000 ans d'histoire en une heure", comme son nom l'indique, carbure. Thierry la répète d’avril à novembre, toutes les semaines. Certain la trouve trop courte, voudrait rester écouter l'érudit toute la nuit.


Si c’est une cathédrale, y a-t-il eu des évêques à Alès ? Pourquoi ? : "Sept, sept évêques étalés sur 100 ans. Leur mission ? Ramener dans le troupeau central les brebis égarées, traduisez : les protestants. Louis XIV a fait la plus grande gaffe politique, morale et spirituelle de son règne lorsqu’il a révoqué l’édit de Nantes en 1685."


La présence d’un évêque changeait beaucoup de choses ? : "Oui, c’était un personnage important. Il collectait la dîme, permettait de grands travaux d’infrastructure. L’évêque Charles d’Avejan, le troisième évêque d’Alès, fait construire toutes les digues pour maîtriser le Gardon, entre autres. Il va lutter pour la grande peste de 1721 par exemple aussi. Monseigneur de Beauteville, 5e évêque, va faire construire les grands axes commerciaux des Cévennes. La pyramide de Saint-Christol a été construite en mémoire de l’ouverture de ces chemins."


Donc avant Louis XIV, c’était une simple église ? : "C’était une collégiale. En 1472, un baron d’Alès, Jean du Vierger, obtient du pape Sixte 4, la dignité de collégiale pour cette église Saint-Jean-Baptiste. Donc des chanoines chantaient du matin au soir l’office divin."


Et avant cela ? : "Nous sommes sur un site historique très très ancien, on peut dater facilement à 3000 ans avant J-C le premier édifice à caractère religieux, mais qui n’était pas chrétien évidemment, mais de type Celto Ligure, qui était installé à l’endroit où se trouve l’hôtel en verre actuellement. Des tranches d’histoire se superposent, ce qui est très classique sur ces bâtiments anciens. La première église semble avoir existé à cet emplacement à partir du 8e siècle. On peut traduire son nom par : notre dame du Gardon."


Après une longue discussion, Monsieur Martin fait le tour de la cathédrale. Chaque mur a une histoire différente. "Ici, planter des clous c’est interdit ! Même si on le voulait on ne le pourrait pas, certains murs sont faits de roche plus dures que de l'acier."


De l'extérieur, sans prendre trop le temps de la regarder, on pourrait penser voir une simple église. Mais un homme, lié à un bâtiment, Thierry Martin, chérissant plus que tout cette cathédrale, pourrait nous en parler toute la nuit.

B.B.